nouvel-economiste

Assurance-vie, Puiser utile

Avance ou retrait, comment profiter au mieux de la souplesse de l’assurance-vie ?

Même si l’assurance-vie est un produit d’épargne de long terme, les épargnants doivent savoir qu’à tout moment il est possible de disposer de son argent via des retraits ou bien à travers le mécanisme des avances. Reste ensuite à mesurer le coût de chacune de ces options, en prenant notamment en compte leurs implications fiscales respectives.


par Romain Thomas

Contrairement à une idée reçue, l’argent placé dans un contrat d’assurance-vie n’est pas bloqué. Même s’il s’agit d’un produit d’épargne à long terme, il offre en effet la possibilité à l’assuré de récupérer à tout moment son capital. Pour ce faire, deux alternatives sont envisageables : l’avance ou le retrait. La première option, souvent méconnue de la plupart des épargnants, consiste tout simplement à demander un prêt à la compagnie d’assurances auprès duquel le produit a été souscrit. Attention toutefois : ce mécanisme n’est pas possible sur tous les contrats. Dans le cas où cette possibilité est offerte, il est alors envisageable d’emprunter un montant proportionnel à l’épargne investie. Selon Jean Berthon, président de l’association Gaipare, “l’octroi maximum de l’avance est de 60 % du capital du contrat”, ce dernier faisant office de garantie. En effet, comme le précisent les spécialistes, l’avance est limitée à la valeur de rachat du contrat puisqu’elle vient s’imputer sur sa provision mathématique. Mais, il n’en reste pas moins qu’il s’agit juridiquement, d’un prêt consenti par l’assureur, en vertu de l’article L.132.21 du Code des assurances. En pratique, il suffit simplement à l’épargnant de notifier sa demande à son assureur par simple courrier, le montant mis à disposition étant variable selon la compagnie d’assurances, tout comme la durée de l’avance, “qui ne doit pas excéder trois ans, renouvelable une fois, soit un total de six ans”, précise Nicolas Marquot, associé fondateur de 1854 Patrimoine.

Reste le coût de cette opération : le prêt est généralement facturé au taux de revalorisation annuelle du fonds euros adossé au contrat, plus les frais de gestion et une marge prise par l’assureur, soit aujourd’hui entre 2 et 4 % par an. Petit lot de consolation pour l’épargnant : comme la somme prêtée par le biais de l’avance n’est pas prélevée sur le montant de son contrat d’assurance-vie, son capital continue à être rémunéré comme si de rien n’était. Et cerise sur le gâteau, il n’aura pas à supporter de fiscalité pour ce type d’opération, à la différence du mécanisme des rachats.

En effet, dans ce dernier cas, sauf exonérations particulières comme par exemple le licenciement ou l’invalidité, l’épargne accumulée via la valorisation du capital est alors taxable. L’imposition relève par défaut du barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR) ou sur option du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL), dont le taux dépend de l’ancienneté du contrat : 35 % pour une durée inférieure à 4 ans et 15 %, entre 4 et 8 ans. Au-delà de 8 ans de détention, les produits sont imposables au PFL à un taux minoré de 7,5 %, sachant que cette imposition ne porte que sur les produits acquis dépassant le seuil de 4 600 euros pour une personne seule, et de 9 200 euros pour un couple. Ces abattements permettent ainsi au souscripteur d’éviter toute taxation au moment du rachat, à l’exception du paiement des prélèvements et contributions sociales (15,5 %), comprenant notamment la CSG et la CRDS, auxquels on ne peut échapper. Sur ce point, une précision importante s’impose : l’épargnant désirant opter pour le prélèvement libératoire doit en informer au préalable son assureur car dans le cas contraire, ce dernier utilisera par défaut l’imposition à l’IR.

Echéance et fiscalité, pour choisir en toute connaissance de cause

Au-delà de l’aspect fiscal, il convient de prendre en compte d’autres éléments pour déterminer s’il est plus intéressant d’avoir recours au mécanisme du rachat ou à celui de l’avance. Ainsi, selon Nicolas Marquot, “l’avance est particulièrement utile si vous avez un besoin momentané d’argent pour quelques semaines ou quelques mois”. Il faut dire que cette technique s’avère généralement plus simple et moins coûteuse à mettre en place qu’un crédit à la consommation. Ni l’âge, ni le taux d’endettement, ni le niveau des revenus ne sont par exemple vérifiés par l’assureur, seul compte le montant investi sur le contrat d’assurance-vie. De plus, compte tenu de la faible rémunération actuelle des fonds euros gérés par les assureurs, le coût global d’une avance apparaît actuellement comme relativement raisonnable, d’autant plus qu’elle est remboursable sans frais.

Reste sa principale contrainte, à savoir une durée limitée au maximum à six ans. En effet, en cas de son non-remboursement à l’issue de cette période, l’assureur l’annule et l’assimile à un retrait partiel, avec les conséquences fiscales qui l’accompagnent. C’est la raison pour laquelle la plupart des professionnels recommandent de ne pas y avoir recours pour financer par exemple l’achat d’un bien immobilier, sauf à servir de prêt relais pour débloquer les fonds nécessaires à l’acquisition d’un nouveau logement en attendant de boucler la vente de son ancienne résidence.

Il est vrai que cette question ne se pose pas en utilisant la technique du rachat total ou partiel. En revanche, compte tenu de la fiscalité applicable à ce type d’opérations, nombreux sont les épargnants à se demander quel sort leur réserve l’administration fiscale. Si le retrait est total, autrement dit si le contrat est clôturé, la taxation porte tout simplement sur la plus-value réalisée, c’est-à-dire la différence entre le montant du capital acquis et celui des versements, si cette différence est positive. En cas de retrait partiel, le calcul est beaucoup plus complexe et se fait via une formule mathématique, car seule une partie de la plus-value est comprise dans le montant du rachat. Pour éviter toute mauvaise surprise, le plus sage est de “se tourner vers un conseiller financier afin de connaître l’impact fiscal réel”, indique Olivier Weller, directeur du pôle patrimonial de MAIF Solutions financières. Petite astuce par exemple : si vous envisagez un retrait important, étalez-le sur deux années civiles pour profiter deux fois de l’abattement fiscal annuel. Autre conseil donné par Olivier Weller : “évitez de clôturer votre contrat pour pouvoir jouir de la participation au bénéfice de l’année écoulée”. Quoi qu’il en soit, comme on le constate, il est préférable pour l’épargnant de bien prendre son temps avant de puiser dans son contrat d’assurance vie afin de faire le meilleur choix en toute connaissance de cause.

Assurance vie et transmission : les règles en vigueur

Si au fil des années, l’assurance-vie est devenue un des placements préférés des Français, c’est notamment en raison de sa fiscalité relativement douce, notamment en matière de succession. En effet, ce produit financier bénéficie d’un traitement de faveur en la matière, étant exclu de l’actif successoral de l’assuré en vertu de l’article L312-2 du Code des assurances, sauf si aucun bénéficiaire n’a été désigné ou que ce dernier n’est pas identifiable. Sur ce point, il est important de préciser que le titulaire d’un contrat d’assurance-vie est libre de désigner le bénéficiaire de son choix. Il lui est donc tout à fait possible de favoriser librement un membre de sa famille ou une tierce personne, en passant outre les contraintes liées à la réserve héréditaire fixant la part minimum légale de la succession attribuée à ses descendants.Outre cette souplesse, ce placement offre également l’avantage de ne pas être soumis à la fiscalité relative aux transmissions, du fait de la primauté du droit des assurances sur le droit des successions. Ainsi, les contrats souscrits depuis le 13 octobre 1998, d’une valeur inférieure à 152 500 euros et dont les cotisations ont été versées avant le 70e anniversaire de l’assuré, sont exonérés de droits de succession. Seul un prélèvement est dû par chaque bénéficiaire lorsque la part de capital décès qui lui revient excède cette somme. Ainsi, à compter du 1er juillet 2014, après la prise en compte de l’abattement de 152 500 euros, un taux d’imposition forfaitaire de 20 % est appliqué sur la fraction de part nette taxable par bénéficiaire de 700 000 euros, ce taux grimpant à 31,25 % au-delà de ce seuil. En revanche, la fiscalité de l’assurance-vie est nettement moins clémente pour les contrats dont les cotisations ont été versées après le 70e anniversaire de l’assuré. En effet, dans ce cas, l’abattement de 152 500 euros tombe à 30 500 euros par bénéficiaire pour l’ensemble des contrats du défunt, les droits de succession étant dus sur la fraction des primes versées excédant ce montant.

Les conséquences de la loi Sapin 2 sur les retraits

La loi Sapin 2 adoptée l’an dernier a jeté un pavé dans la mare du monde de l’assurance-vie. En effet, “cette mesure a pour but de préserver la solvabilité des assureurs ou plus généralement celle du système financier, dans le cas d’événements extrêmes comme une forte et rapide remontée des taux ou une crise financière majeure ; elle ne doit pas pour autant inquiéter les épargnants, puisqu’elle existait déjà à titre individuel”, précise Constance de Poncins, déléguée générale d’Agipi. D’ailleurs, ce texte ne fait qu’étendre au secteur de l’assurance les pouvoirs du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) déjà existants pour le secteur bancaire, en lui donnant dorénavant le pouvoir de limiter les rachats ou arbitrages sur les contrats d’assurance-vie en cas de crise exceptionnelle, comme par exemple une remontée brutale des taux d’intérêt.Concrètement, dans un tel cas de figure, le HCSF pourrait “suspendre, retarder ou limiter pour tout ou partie du portefeuille le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat”. En clair, les retraits des épargnants pourraient être limités dans le temps, pour une durée maximale de trois mois renouvelable.

Reste que ces pouvoirs de blocages des rachats, arbitrages, avances et versements de primes sont déjà détenus par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui n’en a jamais fait usage jusqu’à présent. La différence réside dans le fait que l’ACPR ne peut agir que pour une seule compagnie d’assurances alors que le HCSF pourra désormais agir sur plusieurs assureurs simultanément.

D’après les spécialistes interrogés, il n’y a donc pas d’inquiétude particulière à avoir, car ces mesures sont prévues seulement en cas de situation exceptionnelle pour protéger, in fine, l’épargne des Français détenue via leurs contrats d’assurance-vie, et ce afin d’éviter tout phénomène de rachat massif. Elles n’ont donc pas vocation à s’appliquer en temps normal.

L’encours des contrats d’assurance-vie (provisions mathématiques + provisions pour participation aux bénéfices) s’élève à 1 620 Mde à la fin du troisième 2016. Source : Fédération française de l’assurance (FFSA)

Publié le